La porte symbolise le lieu de passage entre deux états, entre deux mondes, entre le connu et l'inconnu, la lumière et les ténèbres, le trésor et le dénuement. La porte s'ouvre sur un mystère. Elle ne symbolise pas uniquement l'accès à une espace dérobé, mais aussi l'espace lui-même que la porte dissimule. Mais elle a une valeur dynamique, psychologique ; car non seulement elle indique un passage, mais elle invite à le franchir. C'est l'invitation au voyage vers un au-delà…
Le passage auquel elle invite est, le plus souvent, dans l'acception symbolique, du domaine profane au domaine sacré. Ainsi du portail des cathédrales, des torana hindous, des portes des temples ou des cités khmers, des torii japonais, etc.
Les villes chinoises étaient à quatre portes cardinales. Par elles, étaient expulsées les influences mauvaises, accueillies les bonnes, reçus les hôtes, étendue aux quatre régions de l'empire la Vertu impériale, réglées les heures du jour et les saisons. Les quatre portes cardinales d'Angkor-Thom répètent aux quatre orients l'effigie rayonnante de Lokeshvara souverain de l'univers. Mais elles permettent l'accès, des quatre directions, en ce centre du monde. Les portails des églises, les portiques des temples sont l'ouverture du pèlerinage sacré, qui conduit jusqu'à la cella, jusqu'au Saint des Saints, lieu de la Présence réelle de la Divinité. Ils résument le symbolisme du sanctuaire lui-même, qui est la porte du Ciel. Les portes des temples sont souvent pourvues de gardiens féroces. Il s'agit tout à la fois d'interdire l'entrée de l'enceinte sacrée aux forces impures, maléfiques, et de protéger l'accès des aspirants qui en sont dignes.
Le symbolisme des gardiens relève manifestement de l'initiation, qui peut être interprétée comme le franchissement de la porte. Janus, dieu latin de l'initiation aux mystères, détenait les clefs des portes solsticiales, c'est à dire des phases ascendante et descendante du cycle annuel. Il s'agit respectivement de la porte des dieux et de celle des hommes, donnant accès aux deux voies dont Janus (comme Ganesha en Inde) est le maître. Les deux portes sont encore Janua Inferni et Janua Coeli, portes des enfers et des cieux.
Le passage de la terre au ciel s'effectue, nous l'avons dit, par la porte du soleil, qui symbolise la sortie du cosmos, au-delà des limitations de la condition individuelle. C'est le trou du dôme, de la tente, par où passe l'Axe du monde, c'est aussi le sommet de la tête, en tout cas la porte étroite qui donne accès au Royaume des Cieux.
Autre figure de la porte : le torana hindou, associé au kala, le glouton. La porte est ici la gueule du monstre, qui figure le passage de la vie à la mort, mais aussi de la mort à la délivrance ; c'est le double courant cyclique, expansion et réintégration, kalpa et pralaya. Dans l'art khmer, le kala crache deux makara divergents, lesquels développent, en le crachant eux-mêmes littéralement, le linteau de la porte, qui s'apparente ainsi à l'arc-en-ciel : affirmation indirecte du passage de la terre au séjour divin.
La manifestation cosmique évoquée ci-dessus s'exprime encore en Chine par le symbole de la porte : selon le Hi-tseu, le trigramme k'ouen (principe passif, Terre) est la porte fermée ; le trigramme k'ien (principe actif, Ciel) est la porte qui s'ouvre, la manifestation. L'ouverture et la fermeture alternatives de la porte expriment donc le rythme de l'univers. C'est aussi l'alternance du yang et du yin ; mais les portes apparaissent, en ce cas, plutôt équinoxiales que solsticiales (le yang sort au signe tch'en, qui correspond au printemps). De la même façon, l'ouverture et la fermeture de la porte du Ciel peut s'apparenter au rythme respiratoire, dont on sait qu'il est l'homologue microcosmique du précédent. La fermeture des portes est aussi, en mode taoïste, la rétention du souffle et l'annihilation des perceptions sensibles.
Dans les traditions juives et chrétiennes, l'importance de la porte est immense, puisque c'est elle qui donne accès à la révélation ; sur elle viennent se refléter les harmonies de l'univers. Des portes de l'ancien Testament et de l'Apocalypse, tels le Christ en majesté et le Jugement dernier, accueillent le pèlerin et les fidèles. Le Christ est d'ailleurs considéré comme la véritable porte, en effet "Je suis la porte, si quelqu'un entre par Moi, il sera sauvé" (Jean 10, 9). C'est pourquoi le Christ en gloire surmonte généralement la porte centrale des porches des cathédrales, cependant que les portes des églises représentent souvent, sous la forme de sculptures, les vertus chrétiennes en lutte avec les péchés. L'archange Michel et l'apôtre Pierre, qui porte les clefs, sont les gardiens des portes célestes.
Franchir une porte, c'est donc changer de niveau, de milieu, de centre, de vie. La porte a aussi une signification eschatologique. La porte comme lieu de passage, et particulièrement d'arrivée, devient tout naturellement le symbole de l'imminence de l'accès et de la possibilité d'accès à une réalité supérieure. La porte évoque aussi une idée de transcendance, accessible ou interdite, selon que la porte soit ouverte ou fermée, franchie ou simplement regardée. La porte se prête à de nombreuses interprétations ésotériques. La porte est la communication de l'outil caché, de l'instrument secret.